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·26 March 2025
ODC : "Los Fastidios ? Ils se sont crus à Geoffroy-Guichard !"

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·26 March 2025
Il n'y a pas que le foot dans la vie, il y a aussi la musique. Après avoir rencontré la Dub Inc il y a un peu moins de deux ans, l'artiste stéphanois Bonneville également, nous partons à la découverte de la scène punk stéphanoise. Qui de mieux que le groupe ODC, pur produit stéphanois, pour nous en expliquer les spécificités et nous parler de son attachement à la ville. Les deux frangins Alex et Romain, membres du groupe qu'ils forment avec Lou, ont répondu plein de fraîcheur à nos questions, quelques semaines après leur concert à la Gueule Noire à Saint-Étienne, aux côtés de Los Fastidios.
En marge de cet interview, ODC propose en exlusivité pour EVECT son derrnier titre et son dernier clip : "SAINTÉ".
Pouvez-vous vous présenter, vous et votre groupe ODC, aux Stéphanois qui ne vous connaissent pas encore ?Alex : Notre groupe c’est une fratrie. On est trois. Ça fait onze ans qu’on existe.
Romain : On a beaucoup évolué à travers les années. On début on jouait beaucoup dans la région. Au fur et à mesure on a évolué, on s’est mis à composer, on a sorti un premier album. On arrive maintenant à faire des tournées sur tout le territoire et même sur les pays frontaliers.Quelles sont les particularités de la scène punk ?Alex : Il y a un esprit de communauté assez fort. Il y a un état d’esprit, des valeurs communes qui sont portées. Il y a aussi la même rage et la même hargne dans la manière de les porter.Romain : Le punk est aussi une scène très militante, avec des lieux très militants aussi. Quand on va dans des concerts de punk, comme c’est le cas ici à la Gueule Noire, on se sent tout de suite assez bien. (…) Sur nos dernières tournées, on a rencontré beaucoup de monde et notamment des groupes avec qui on a noué des liens très forts. Avec qui on arrive à refaire régulièrement des concerts dans leur ville. À l’inverse, on leur applique la réciproque quand ils sont en tournée, c’est l’occasion de les inviter et de leur faire découvrir le public stéphanois, qui est hyper motivé. La scène punk n’est pas une grosse scène mais elle a un réseau très fort, très soudé et solidaire. Très vite, même quand on n’est pas connu, on peut chopper des dates partout en Europe parce qu’il y a des lieux spécifiques qui existent pour faire vivre cette scène alternative qui ne dépend pas de gros moyens financiers.
"Jouer à Saint-Étienne, c’est pour nous toujours nos meilleures expériences. C’est vraiment la maison"
Il y a eu dernièrement ce concert à la Gueule Noire, à la maison pour vous, avec Los Fastidios, que pouvez-vous nous en dire ?Alex : Jouer à Saint-Étienne, c’est pour nous toujours nos meilleures expériences. C’est vraiment la maison. Il y a une communion avec les amis et le public stéphanois qui est super forte, ce sont des moments exceptionnels.Romain : Ce concert c’était vraiment une date géniale pour plusieurs raisons pour nous. D'une part, ça fait longtemps qu’on écoute Los Fastidios, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un vieux groupe de SKA et de Oï italien qui a plus de trente ans qui tourne dans toute l’Europe. Je les ai découverts au collège donc partager la scène avec eux c’était incroyable. Le faire à la maison, c’était encore mieux. On est vraiment transportés par le public stéphanois, à chaque fois qu’on joue ici, il y a une ferveur qu’on ne retrouve pas ailleurs. On a une scène punk à Saint-Étienne qui se mobilise beaucoup, qui ramène du monde et fait vivre les lieux. Ce n’était que du bonheur.Ils en ont pensé quoi du public stéphanois Los Fastidios ?Alex : Ils ont beaucoup apprécié ! (Sourire) Los Fastidios ils sont un peu dans un délire Street Punk, assez proche de la culture stade, donc ils ont adoré ! Il y avait des chants, des encouragements pour les rappels, ils se sont crus à Geoffroy-Guichard.Romain : À la fin ça ressemblait à un Kop ! Quand ils ont fini le concert, ça s’est mis à faire des chants de stade pour faire un rappel. Ils étaient un peu déstabilisés au début car ce n’est pas tout le temps le cas mais au final ils ont trop kiffé !Alex : Le lieu, la Gueule Noire, leur a beaucoup plu aussi, un lieu où il y a beaucoup d’initiatives dont ils partagent les valeurs.
"Je suis d’abord tombé amoureux des tribunes de Saint-Étienne avant de m’intéresser à l’ASSE"
Sur scène on vous voit représenter Saint-Étienne et même l’ASSE dans vos tenues, que pouvez-vous nous dire de votre amour pour la ville et le club ?Romain : De base je n’aimais pas le foot du tout ! Je suis arrivé à Saint-Étienne au début de mes années lycée, je suis plutôt de la campagne, de la Plaine du Forez et des Monts du Lyonnais. Quand je suis arrivé à Saint-Étienne, je me suis mis à militer. Ça a été un peu la même chose pour mes frangins. Au vu de la richesse associative, culturelle et politique que j’ai pu découvrir à Saint-Étienne, je me suis mis à adorer la ville. Mon niveau de chauvinisme est monté en flèche ! Maintenant aujourd’hui, je ne me verrai pas me déraciner de cette ville. (…) Cet attachement à la ville ne pouvait pas se faire sans connexion avec le stade. En découvrant la ville, on découvre qu’il y a une partie de la ville qui respire avec le stade.Alex : C’est exactement les mots que j’allais employer (rires).Romain : C’est présent partout ! Le lundi, si tu as pris une raclée le week-end, ça se ressent dans une grande partie de la ville (sourire). Et l’inverse quand ça gagne. En découvrant la ferveur qu’il y avait à Geoffroy-Guichard, j’ai retrouvé quelque chose que j’appréciais vraiment dans mon parcours militant et d’artiste. Ce truc de collectif, d’énergie qui se diffuse et qui est partagée à fond. Je suis d’abord tombé amoureux des tribunes de Saint-Étienne avant de m’intéresser à l’ASSE.Alex : Comme le disent les Tit’ Nassels qui ont vécu un moment à Saint-Étienne : « Tu ne m’as pas vu naître mais tu m’as vu voir le jour ». Ça c’est vraiment l’expérience qu’on a avec Saint-Étienne. On a construit notre identité, nos cercles d’amis à Saint-Étienne et l’identité du groupe aussi a été construite à Saint-Étienne. On s’est imprégné de tout ce que cette ville porte en termes d’identité.
"L'identité de Saint-Étienne n’a pas de pays, pas de frontière, on retrouve ça d’ailleurs dans l’hymne de l’ASSE, c’est quand même beau !"
Votre dernier titre est une ode à l’amour que vous portez à Saint-Étienne…Alex : On a voulu saluer tout ce qui se passe dans cette ville qui nous l’a fait aimer. Rendre hommage à cette identité-là dans laquelle on se reconnait. Une identité belle, pleine de solidarité, cosmopolite. Elle n’a pas de pays, pas de frontière, on retrouve ça d’ailleurs dans l’hymne de l’ASSE, c’est quand même beau !Romain : Ce qui est réel d’ailleurs. Saint-Étienne a été construit par des gens de toutes nations qui se sont toujours retrouvés dans un vécu commun, partagé. C’est ce qui a donné une belle identité. On a voulu saluer ça.Dans celui-ci, vous évoquez le « peuple vert » et les supporters à plusieurs reprises, vous vous sentez proches des supporters stéphanois et de leurs combats ?Romain : Il y a plein de combats qu’on partage totalement.Alex : Chaque semaine, même quand je ne suis pas à Sainté, je regarde les tifos qui ont été déployés, les banderoles, les petits messages pour la LFP, les revendications pour avoir plus de libertés, pour la défense du football populaire.Romain : Dans notre parcours militant, on a aussi des choses très similaires à ce que peuvent vivre beaucoup de supporters. Ce qu’on peut vivre en termes de répression dans le militantisme, c’est d’abord une répression qui a été testée sur les ultras. Ce qu’on peut vivre en termes de surveillance dans les rues, de "tout sécuritaire", c’est pareil, ça a d’abord été testé dans les stades. Des parallèles très directs peuvent être faits dans ce qu’on peut vivre dans notre parcours militant et ce que peuvent vivre les ultras ou les autres supporters dans les stades. Forcément on partage plein de combats.Alex : Autre exemple : sur les interdictions de stade (IDS) par exemple, des lois ont fait un copier-coller de ce genre de mesures pour interdire des gens de manifestation, de se présenter dans certains évènements comme les Jeux Olympiques à Paris par exemple. Toute la répression qui existe dans les stades sert de laboratoire à la société. Ça ne nous laisse pas indifférent.On sent un certain engagement dans vos textes, vous sentez-vous proche de ce point de vue là des groupes de supporters qui multiplient les actions caritatives ?Romain : Pour parler de combats partagés sur une note plus positive il y a aussi ça. Que ce soit dans la ville ou dans les tribunes, Saint-Étienne est une ville qui bénéficie d’une solidarité énorme. C’est quelque chose qu’on partage. Je tiens vraiment à saluer le travail effectué par les Green Angels quand ils ont monté les Green Angels Solidarité. Et notamment pendant le COVID quand ils se sont mobilisés aux côtés des Brigades de solidarité. C’est quelque chose qui a duré et elles existent encore aujourd’hui.Alex : C’est assez beau de voir que les groupes de supporters peuvent amener beaucoup d’énergie dans un stade et que cette énergie peut servir à autre chose, et c’est super puissant. Ça n’arrive pas au hasard, ce sont des valeurs qu’ils portent sans cesse dans leur manière de supporter leur équipe et des fois ça peut prendre forme en dehors du stade, c’est magnifique de voir les effets que ça produit.Je crois savoir que l’un d’entre-vous est même sur les routes lors des déplacements…Romain : Pour le moment on ne vit pas de notre musique. On arrive à financer nos projets mais on est obligé d’avoir une carrière professionnelle à côté. Je me suis orienté vers un métier de chauffeur d’autocar. J’ai rejoins la SRT qui transporte les supporters depuis 20 ans, autant les Magic Fans que les Green Angels. Il n’y en a pas beaucoup qui veulent transporter les supporters malheureusement (rires). Quand je suis arrivé, on m’a demandé si je voulais les transporter, parce que des chauffeurs préfèrent conduire « pépère », pas avec une grosse teuf (sic) derrière eux (sourire). Moi j’ai dit « bien-sûr » !
"Un bus de supporters ? C'est le dawa !"
C’est quoi l’ambiance d’un bus de supporters ?Romain : C’est le dawa (sic) ! (Rires). Moi je conduis mais l’ambiance d’un bus, c’est génial ! Quand j’arrive à deux heures du matin sur le parking de Geoffroy-Guichard et qu’on doit se déplacer jusqu’à Lille, c’est déjà la fête ! Si je devais te donner un adjectif ce serait peut-être « sportif » (sourire). Ils font peut-être une prestation aussi sportive que certains sur le terrain. Il y a vraiment une énergie tout au long du déplacement qui est hyper-forte. C’est la teuf (sourire). (…) Ne faisant pas partie d’un groupe et voyant ça de l’extérieur, il y a un regard assez impressionné de ma part. De voir cette coordination : quand ils font un dép’ sur lequel ils se sont fait chier (sic) toute la semaine pour faire un tifo, qu’ils se tapent 15 heures de route aller, 15 heures de route retour... Malgré la répression, ils sont toujours là et à fond pendant 90 minutes. Il y a une certaine admiration de ça. Je kiffe voir ça.Comme les supporters en déplacement, vous aussi vous avez l’impression de « représenter Sainté » lors de vos concerts en Europe ?Alex : On aime bien faire de petites allusions. Un sticker qui traîne sur un ampli’, une écharpe qui traîne par-ci par-là. On a cette chanson qui parle de notre ville et à chaque fois c’est une put*** (sic) de fierté de la jouer !Romain : De manière générale, quand dans d’autres villes ils voient débarquer un groupe de stéphanois, ils sont vite blasés parce qu’on raconte tellement notre ville, on est tellement fiers de notre ville que ça en devient presque redondant. Ça nous est déjà arrivé qu’au moment d’évoquer Saint-Étienne des gens nous disent « Oh non ! Pas encore Saint-Étienne » (rires).À quand ODC résonnera dans les travées du Chaudron ?Romain : C’est pas à nous de demander (rires). On essaie de porter des valeurs dans notre musique, plus c’est diffusé, mieux c’est. C’est pour ça qu’on pose des congés sans solde pour aller faire des tourner et porter nos messages. Si des gens ont la volonté de nous diffuser dans les stades, volontiers !On réalise cet interview dans la salle de la Gueule Noire, endroit emblématique pour la scène punk à Sainté. Que pouvez-vous nous en dire ?Romain : La Gueule Noire ça doit avoir près de 15 ans. C’est un lieu hyper-précieux. C’est un lieu qui permet énormément d’initiatives différentes. Au premier abord, on peut se dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire à Saint-Étienne mais en dépassant ce premier abord, Saint-Étienne est une ville super riche. Dans cette richesse là, il y a des lieux comme la Gueule Noire. À la Gueule Noire, il y a autant des cours de sport, gratuits, animés par des bénévoles : boxe, auto-défense féministe par exemple. Il y aussi une bibliothèque militante ouverte de temps en temps. Des cantines prix libre qui permettent autant aux familles de venir qu’aux personnes précaires. Il y a des concerts, des projections, des drag-shows, des débats, il y en a eu un sur la Palestine il y a quelques jours. C’est un lieu directement rattaché aux luttes à Saint-Étienne. Il y a régulièrement des concerts de solidarité, des collectifs qui viennent s’y retrouver, organiser des évènements. (…) Faire de la musique, à Saint-Étienne, dans un lieu militant, pour nous c’est le rêve !
"Ce que je souhaiterais à Sainté, c’est de rester Sainté, ce qu’elle est"
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter et souhaiter à Saint-Étienne ?Alex : À Saint-Étienne, on l’évoque dans le morceau, on peut lui souhaiter de ne pas finir gentrifiée, dévisagée, à être en proie au business. Pour nous, on espère continuer longtemps de faire ce qu’on fait. Tant que ça fait sens pour nous, on continuera de le faire. Un maximum de concerts, d’expériences, de voyages, de rencontres et de partages, c’est tout ce qu’on demande.Romain : Ce que je souhaiterais à Sainté, c’est de rester Sainté, ce qu’elle est. Comme le dit Alex, de ne pas céder à la gentrification, de rester fière, notamment d’avoir eu un passé parfois un peu « noir ». Mais de rester ce qu’elle est, une ville solidaire, vivante, qui ne pense pas qu’à l’argent. C’est le plus important pour la ville, qu’elle garde cette ferveur. Pour ODC, personnellement j’ai envie de m’éclater le plus longtemps possible et sinon de manière générale, de continuer de diffuser les messages qu’on a envie de transmettre. Ça restera le plus important.
À la fin de son dernier clip, ODC apporte son soutien aux Green Angels et aux Magic Fans visés par une procédure de dissolution enclenchée par le gouvernement.