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·31 de março de 2025
EXCLU – Jérôme Arpinon : « Je préfère mourir que de ne pas être sur un terrain »

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·31 de março de 2025
Jérôme Arpinon est un passionné de football. Dans le monde du ballon rond depuis maintenant plus d’une vingtaine d’années, l’ancien entraîneur de Nîmes nous a accordé une interview pleine de sincérité et surtout pleine de reconnaissance. Libre depuis la fin de son aventure à Virton en Belgique, il n’en demeure pas moins actif, lui qui ne reste jamais bien loin des terrains. Entretien avec un technicien mais surtout un homme qui respire football et qui n’oublie pas d’où il vient.
Comment vas-tu ?
Je vais très très bien, je suis bien dans ma tête, bien dans mes baskets, je sais où je veux aller, donc tout va bien. C'est ça le plus important, c'est d'avoir des objectifs et des rêves. À 47 ans bientôt, j'ai encore des rêves, donc je suis content, je suis animé par le football, c'est vraiment ma passion. J’ai gagné en maturité depuis toutes ces années, et j'en suis fier. Je suis très heureux d'avoir pu côtoyer beaucoup de personnes de ce milieu-là aussi, qui m'ont beaucoup enrichi humainement et footballistiquement parlant. On me dit que je suis toujours un jeune entraîneur, mais j'ai commencé à entraîner en professionnel, j'avais 25-26 ans. J'ai été aux côtés de beaucoup de personnes qui m'ont vraiment aidé. Depuis toutes ces années-là, j'ai mûri, j'ai appris. Aujourd'hui, j'arrive avec une certaine maturité. Je suis très fier de ça et très heureux.
Pour rebondir là-dessus, comment se passe ton quotidien d'entraîneur libre ?
Actuellement, ça fait très peu de temps que je suis libre, ça fait 2 mois. Je suis le parrain d'une académie dans le sud de la France qui s'appelle l'Académie Univers. Ça fait 6 ans que je suis parrain de cette académie. Je m'investis un petit peu. Quand je ne peux pas être là, j'utilise mon réseau pour organiser des matchs amicaux avec les jeunes de l'académie. L'académie, elle a à peu près 300 licenciés. Elle s'arrête aux 17 ans. Ça fait 6 ans qu'on évolue, ça fait 6 ans qu'on fait progresser l'académie. Maintenant, toutes nos équipes sont au plus haut niveau régional. On forme beaucoup de jeunes. Quand je suis en club, bien sûr, je ne suis pas là, je les ai par téléphone et voilà. Je fais du social aussi. J'aime tout ce qui est social, l'aide, aider les gens qui n'ont pas les moyens de pouvoir jouer au football. J'avais 21 ans et j'ai passé un brevet d'État dans l'animation. J'encadrais les joueurs dans les quartiers difficiles. J'organisais des tournois, des petits matchs, avec les jeunes qui avaient des soucis un peu au niveau social. J’ai toujours fait un petit peu de social. J'ai toujours aidé mon prochain. Grâce à cette académie, je peux rester dans le football. Et quand je sors du milieu professionnel, comme ces derniers temps, je vais me ressourcer avec les jeunes. On a quand même sorti quelques joueurs, voir des filles aussi, parce que nous, c'est mixte. Les filles, elles peuvent jouer avec les garçons. On en a qui ont signé à Lyon, Nice, Montpellier, Rennes...Le retour aux sources, de temps en temps, d'entraîner les jeunes, ça fait du bien. Faire un petit peu de social et entraîner les jeunes, c'est un retour aux sources. On se met au niveau, on fait du football. Qu'on soit au bord d'un terrain professionnel ou qu'on soit au bord d'un terrain avec des jeunes, on prend autant de plaisir.
Le retour aux sources, de temps en temps, d'entraîner les jeunes, ça fait du bien. Faire un petit peu de social et entraîner les jeunes, c'est un retour aux sources. On se met au niveau, on fait du football. Qu'on soit au bord d'un terrain professionnel ou qu'on soit au bord d'un terrain avec des jeunes, on prend autant de plaisir.
Qu'est-ce qui est le plus important pour toi dans le métier d'entraîneur, le social justement, la proximité avec les joueurs ?
La meilleure manière d'y répondre, ça serait de questionner les joueurs que j'ai eu par exemple à Virton (Belgique) ces derniers temps. Mais si tu questionnes les joueurs que j'ai eu au tout début de ma carrière, ils te diront autre chose. Parce que chaque entraîneur évolue avec le temps. Au début, on répète un petit peu l'éducation qu'on a eue. Donc souvent, quand t'es jeune entraîneur, t'as tendance à mettre beaucoup de règles. Et je trouve que ça peut te desservir avec le temps. Quand tu prends de l’expérience, on s'aperçoit que les joueurs, en fait, il faut leur donner plus ou moins de l'amour parce qu'aujourd'hui, tu ne peux pas être trop rigide avec tes joueurs. Il y a tellement de paramètres qui rentrent en ligne de compte. Si tu es trop rigide avec eux, trop dictateur, on va dire, au bout d'un moment, à la longue, ça a un effet limitant. Il faut mettre un cadre, ça c'est sûr. Mettre un cadre, ça c'est hyper important. La discipline, oui on en met, mais pas trop non plus. Il faut être proche d'eux, il faut être à l'écoute, il faut savoir les aimer, savoir les écouter, et à la fois que tu sois respecté. Et souvent, moi je trouve qu'on est respecté non pas par la peur, mais par la compétence. Si tu arrives à démontrer ta compétence et ton travail aux joueurs, tu seras respecté.
Quel est le meilleur exemple selon toi ?
Je vois Carlo Ancelotti aujourd'hui, pour moi c'est l'un des meilleurs entraîneurs du monde. On le sent, c’est une personne qui a de la rigueur. Parce que j'ai eu la chance aussi d'avoir un ami qui a travaillé avec lui, qui m'a expliqué un petit peu sa méthode de travail. Et je trouve qu'aujourd'hui, alors je ne dis pas que je vais essayer d'y ressembler, non, on a chacun notre personnalité, on a chacun notre manière de travailler, mais il est aimé par ses joueurs, et on le sait. Et ça, quand tu es aimé par tes joueurs, tu peux plus obtenir que si tu es craint.
Aujourd’hui, tu as donc évolué ?
Avec le temps, on évolue. Et moi je pense que ces derniers temps, dans mon management, j'étais plus à l'écoute, j'étais plus dans le partage avec les joueurs. Au tout début de ma carrière, par exemple, je donne un exemple tout bête. Quand on faisait petit déjeuner le matin, je disais au joueur « 8h, petit déjeuner ». Si le joueur arrivait à 8h02 ou 8h03, on était assez ferme sur la règle, on lui mettait une amende. Aujourd'hui, je dis « petit déjeuner » entre 8h et 9h. Comme ça, tu rentres moins dans le conflit avec eux. Moi, j'aime le contact humain et j'aime que les joueurs dialoguent entre eux. Aujourd'hui les réseaux sociaux, les téléphones nous ont enlevé tout ça. Donc il y a une règle, je les autorise à avoir le téléphone dans le vestiaire. Et dès qu'ils sortent du vestiaire, qu'ils vont dans la salle de kiné, ou qu’ils vont dans les lieux de vie, il n'y a plus de téléphone. Le téléphone, il reste dans le casier.
Si je comprends bien, tu as un peu le rôle de grand frère dans une famille ?
Moi ce qui est important aujourd'hui au haut niveau, c'est d'être à l'écoute. Il faut connaître tes joueurs, il faut savoir quand tu peux leur parler d'une manière plus ferme, d'une manière plus douce, il faut savoir quand tu peux leur parler devant tout le monde, quand tu peux leur parler à part dans le bureau. Un exemple aussi, tu vas faire de l'analyse vidéo. Tu sais que tu as un joueur qui a du caractère, qui est un leader dans ton groupe. Si tu l'affiches devant tout le monde à la vidéo, sur le coup, il ne va rien dire, mais au fond de lui, il va mal le prendre. Il ne faut jamais dire que tu fais un retour vidéo pour critiquer, c'est pour progresser et avancer. Mais, selon l'analyse que tu vas faire et selon comment tu vas parler devant le groupe, ça va le vexer. C’est avec le temps qu’on apprend.
Moi ce qui est important aujourd'hui au haut niveau, c'est d'être à l'écoute. Il faut connaître tes joueurs, il faut savoir quand tu peux leur parler d'une manière plus ferme, d'une manière plus douce, il faut savoir quand tu peux leur parler devant tout le monde, quand tu peux leur parler à part dans le bureau.
Comment te définirais-tu au niveau de ta philosophie de jeu ?
J’ai un football on va dire...moderne. J’aime bien presser l’adversaire. C’est un peu un football box to box. J’aime les équipes qui font des efforts, qui courent, qui compensent sur le travail défensif. J’aime le football anglais, le football allemand. Dans le football moderne, les équipes en place, qui attendent, c’est fini. Si tu ne cours pas sur le terrain...J’ai vu une statistique, l’équipe qui court plus que l’adversaire, il y a 70 % de chances qu’elle ne perde pas. J’aime aussi les joueurs disciplinés et intelligents. Si tu as une équipe qui est à l’écoute et qui est disciplinée, tu peux avoir de bons résultats.
Quels souvenirs gardes-tu de ton expérience à l’étranger ?
Par rapport à la France, ils sont à l’écoute et disciplinés. Il y a une culture de travail différente. Les joueurs ne rechignent pas à l’effort. Je ne dis pas qu’en France ce sont des fonctionnaires du football, mais l’approche est différente. En France, les joueurs auraient tendance à être dans la négociation sur le nombre d’entraînements, pas à l’étranger.
Et au niveau de l’arbitrage ?
On parle du niveau de l’arbitrage en France, mais je vous conseille d’aller voir ailleurs aussi. J’ai gagné en maturité sur l’arbitrage à l’étranger. J’ai créé un système au sein de mon équipe. J’avais une équipe qui prenait beaucoup de cartons rouges et qui contestait beaucoup. Mais une fois que l’arbitre a sifflé, tu ne peux pas revenir en arrière. Si tu contestes, tu vas sortir du match pendant quelques minutes. Si ça s’accumule, tu peux avoir plusieurs joueurs hors du match et ils ne se concentrent plus. J’avais mis en place à l’entraînement un outil de travail où je faisais l’arbitre et je sifflais des fautes qui n’existaient pas afin que mes joueurs soient plus concentrés. Ça a porté ses fruits puisque ça s’est traduit dans les résultats. C’est une technique issue du rugby où une étude avait été faite sur la concentration des joueurs. Je pense que j’arrive à faire progresser les équipes que j’entraîne. À Virton, j’ai reçu plein de beaux messages de la part de mes joueurs, qui ont dit que j’étais le meilleur entraîneur qu’ils ont eu. L’étranger, c’était une approche différente du joueur.
D’un point de vue découverte, qu’as-tu retenu ?
J’ai appris une nouvelle langue. Je ne dis pas qu’ils ne parlent pas français mais ils parlent aussi flamand. C’est un peu néerlandais. C’est un football plus direct, plus rude, moins technique mais autant intéressant. Par rapport au football français, le niveau de mon équipe était assez intéressant. J’avais une équipe de qualité, de bons joueurs. Au niveau du travail, je suis content de cette expérience. J’aspire à revenir en France mais je ne ferme pas la porte à l’étranger. Je suis envieux de nouvelles rencontres, on apprend de tout le monde et j’ai encore beaucoup à apprendre. J’aime le contact humain.
As-tu une belle anecdote à nous partager ?
On était en partenariat avec un club amateur local. Je me suis ouvert. J’invitais l’entraîneur et son adjoint à venir voir nos entraînements pour toucher du doigt le monde professionnel. Ce sont devenus des amis. J’avais ouvert les portes du club pour accueillir les entraîneurs à nos entraînements, pour discuter avec eux. Je suis content de cette collaboration. Ça a permis d’ouvrir le milieu pro à des gens du monde amateur. On est tellement sollicités dans le monde pro que par moment, on se ferme du monde et on se prive de belles rencontres, de belles personnes. Bernard Blaquart l’avait fait à Nîmes, ça m’a permis de le faire aussi. Tout le monde pouvait venir voir les entraînements du Nîmes Olympique à l’époque et ça permettait à nos joueurs d’avoir des contacts avec nos supporters. C’était un côté humain. Mais attention, je comprends les gros clubs comme l’OM, le PSG ou Manchester City qui ferment un peu plus leurs portes, sinon ce serait incontrôlable.
J’avais mis en place à l’entraînement un outil de travail où je faisais l’arbitre et je sifflais des fautes qui n’existaient pas afin que mes joueurs soient plus concentrés. Ça a porté ses fruits puisque ça s’est traduit dans les résultats. C’est une technique issue du rugby où une étude avait été faite sur la concentration des joueurs. Je pense que j’arrive à faire progresser les équipes que j’entraîne.
Dans ton communiqué de départ à Virton était annoncé une fin de collaboration commune. Toi aussi, tu avais envie de voir autre chose ?
Pour moi, ma mission avait été accomplie. Mon équipe était quasiment qualifiée pour les play-offs. Je devais signer dans un autre club, ça ne s’est pas fait mais ce n’est pas grave. J’avais besoin de me ressourcer auprès de ma famille, de mon académie. Je vais voir des matchs de Ligue 1, de Ligue 2, de National. Il faut rester au contact, il ne faut jamais trop s’écarter de son métier, parler avec les gens, les agents…
As-tu déjà eu des approches de certains clubs depuis ton départ de Belgique ?
Bien sûr. J’ai fait deux entretiens. On a eu cinq approches. Il y a des projets sur lesquels j’aurais aimé aller et d’autres non. J’aime mon travail mais j’aimerais prendre un projet de A à Z avec un président, un directeur sportif et un entraîneur sur la même longueur d’ondes sur le projet sportif, le recrutement...Ils donnent leurs idées, je donne les miennes. C’est gratifiant de prendre un projet du début à la fin. Quand tu arrives en cours d’année, tu ne choisis pas tes joueurs. Mais attention, tu fais ton métier quand même. Quand je suis arrivé à Virton, ils étaient avant-derniers, à un point du dernier, ils étaient sur huit défaites d’affilée. J’arrive à sortir de la zone rouge et on a dû dégraisser en hiver. On fait une deuxième partie de saison exemplaire. Sur les dix derniers matchs, on fait sept victoires et trois nuls. L’équipe avait progressé, si j’avais pris l’équipe en début d’année, on serait peut-être remontés. Je suis content, l’équipe avait vraiment évolué.
J’aime mon travail mais j’aimerais prendre un projet de A à Z avec un président, un directeur sportif et un entraîneur sur la même longueur d’ondes sur le projet sportif, le recrutement...Ils donnent leurs idées, je donne les miennes. C’est gratifiant de prendre un projet du début à la fin.
As-tu un objectif particulier en tête ?
Je suis ouvert à tout, à partir du moment où tout est carré. J’aime le détail, je suis un travailleur. Il faut arriver avant ton joueur à l’entraînement, avant ton staff et tu dois repartir après eux. Tu dois éteindre le stade. J’ai toujours énormément travaillé. Par moment, quand j’avais pas mal de route à faire pour aller au centre, j’ai même dormi dans mon bureau pour ne pas arriver en retard à l’entraînement. L’entente avec les collaborateurs est aussi primordiale. Je prends l’exemple de Brest. Tout le monde est au service du staff, du club, de l’équipe. Ce travail, ça fait des années qu’ils le font. Le grand artisan de tout ça, c’est Grégory Lorenzi. Il a la bonne vision du football. Il ne tire jamais la couverture sur lui, il sait faire confiance. Personne ne serait jamais allé chercher Éric Roy, lui l’a fait, aujourd’hui il est en Ligue des champions et a fait gagner des millions d’euros avec son club. Il y a d’autres clubs qui travaillent très bien en France comme Lille.
La Ligue 1 reste quand même ton rêve ?
Mon rêve, ce serait d’entraîner en Ligue 1. C’est le Graal, c’est l’un des cinq plus grands championnats européens. C’est l’un des championnats les plus difficiles. Chaque championnat a sa spécificité. Des joueurs peuvent s’épanouir en Allemagne, moins en France et vice-versa. Entraîner en France, dans mon pays, en Ligue 1...Mais je sais que j’y arriverai, je l’ai déjà fait. Je suis arrivé ici grâce à la force du travail et à la confiance de nombreuses personnes.
Tu n’as pas de limites ?
Une fois, en formation, on m’a posé une question pour savoir quelles étaient mes limites. Des entraîneurs disaient Ligue 1, Ligue 2...Moi, j’ai dit que je n’en avais pas. Prenez l’exemple de José Mourinho. Ce sont des gens intelligents, travailleurs, qui ont persévéré. Il est passé d’interprète à numéro un mondial. Pour moi, un entraîneur sous coté, c’est Christophe Pélissier. Il fait monter Luzenac. Un jeune entraîneur qui obtient des résultats avec une équipe moyenne, je trouve ça plus gratifiant qu’entraîner le Real Madrid direct. Mais c’est un autre sport et je le ressentais quand j’affrontais le PSG avec Nîmes. Tu ne gères pas Messi et Neymar comme un joueur lambda de Ligue 1. Pélissier il a réussi à faire passer Amiens de National en Ligue 1 et il a réussi à les maintenir. Pareil avec Lorient, qu’il a fait remonter et qu’il a maintenu. Avec Auxerre, il n’a peut-être pas réussi à les maintenir tout de suite mais il les a fait remonter et là, il s’en tire bien. C’est une bonne personne humainement comme Philippe Montanier. Je retiens les bonnes personnes que j’ai croisé.
Mon rêve, ce serait d’entraîner en Ligue 1. C’est le Graal, c’est l’un des cinq plus grands championnats européens. C’est l’un des championnats les plus difficiles. Chaque championnat a sa spécificité (...) Entraîner en France, dans mon pays, en Ligue 1...Mais je sais que j’y arriverai, je l’ai déjà fait. Je suis arrivé ici grâce à la force du travail et à la confiance de nombreuses personnes.
As-tu un message à faire passer ?
Je trouve que maintenant, les présidents de L1 et de L2 n’hésitent plus à récompenser les gens qui travaillent. Prenons l’exemple d’Habib Beye. Il a eu de bons résultats avec le Red Star et aujourd’hui, Rennes, un des clubs les plus riches de France et avec beaucoup d’attentes, n’a pas hésité à le nommer. Et ce n’est pas parce qu’il a été à Canal+ ou qu’il est ancien joueur professionnel. Ils ne l’ont pris que pour ses compétences d’entraîneur. Ils n’ont pas eu peur de prendre un entraîneur de National pour venir en Ligue 1. Le message que j’ai à faire passer, c’est que je suis content de voir que les présidents français font plus confiance à la compétence qu’à l’expérience. Habib Beye, on ne peut pas parler d’expérience. Il en a une de joueur mais pas d’entraîneur. Il a la compétence, il a du leadership, il s’exprime bien. Sur la saison qu’il a fait avec le Red Star, tu sens qu’il a de la compétence. Je félicite ces présidents qui n’hésitent pas à mettre ces entraîneurs en valeur. Will Still en est aussi la preuve. Il s’en sort quand même très bien à Lens malgré les nombreux départs cet hiver. Les présidents entourent bien ces gens-là et ces derniers rendent bien la confiance. Ce sont souvent les joueurs qui font les bons entraîneurs.
Que regrettes-tu dans le football d’aujourd’hui ?
Ce que je veux mettre en avant dans ce football, c’est qu’il y a beaucoup de pression. Il faut mettre en avant les qualités humaines de chaque personne. La presse et les réseaux sociaux doivent être plus indulgents. On ne laisse rien passer et par moment tu peux être grillé pendant un ou deux ans. Mais c’est tellement gratifiant et passionnant. Que tu gagnes en National, en L1 ou en L2...C’est le même sentiment. J’ai vécu des victoires exceptionnelles comme au Vélodrome avec Nîmes.
Quels sont tes meilleurs souvenirs en tant qu’entraîneur ?
Mon souvenir le plus marquant, c’est quand j’ai battu Brest 4-0 à domicile pour mon premier match en tant que numéro un (avec Nîmes). En face, c’était Olivier Dall’Oglio, la première personne qui m’a tendu la main en professionnel. J’avais 24 ans et demi, il m’a pris en stage à Nîmes quand je passais mes diplômes de préparateur physique. L’année d’après, il a fait en sorte que je sois embauché adjoint à l’équipe réserve et préparateur physique du centre de formation. Mon premier match en tant que numéro un, je gagne 4-0 mais à la fin, je lui rends hommage. C’était un ami. J’ai battu aussi le record de la plus grosse victoire aux Costières en Ligue 1, 4-0. Ce sont des émotions fortes. C’est tellement gratifiant quand tu vois ton équipe évoluer, gagner des matchs, célébrer dans les vestiaires. J’ai vu des présidents pleurer.
Je suis content de voir que les présidents français font plus confiance à la compétence qu’à l’expérience. Habib Beye, on ne peut pas parler d’expérience. Il en a une de joueur mais pas d’ entraîneur. Il a la compétence, il a du leadership, il s’exprime bien. Sur la saison qu’il a fait avec le Red Star, tu sens qu’il a de la compétence. Je félicite ces présidents qui n’hésitent pas à mettre ces entraîneurs en valeur.
J’ai l’impression que la reconnaissance est vraiment ton principe numéro un
Je vais te raconter une anecdote. À une époque, la première personne qui m’a appelé pour trouver du travail c’était Louis Nicollin. Je ne l’oublierai jamais. Ce n’était pas forcément comme entraîneur de l’équipe pro mais peut-être de la réserve ou d’une équipe de jeunes. Je suis finalement retourné à Nîmes. Il y a des choses que tu n’oublies pas, Montpellier m’avait ouvert la porte à l’époque. Montpellier m’a tendu la main. Et le jour où on a battu Montpellier avec Nîmes à Montpellier, chose qui n’avait pas été faite depuis 1978, quand je suis arrivé en conférence de presse, les journalistes ont voulu me titiller pour narguer Montpellier. Mais non. Il y a des gens qui m’ont aidé, qui m’ont tendu la main...Dans cette conférence de presse, je n’en ai pas rajouté, j’ai dit que c’étaient juste trois points supplémentaires. Je voulais aussi respecter Michel Der Zakarian. Il faut respecter dans le football car tu peux vite redescendre.
Pareil à Nîmes, où tu n’as jamais parlé en mal de Rani Assaf
Je suis reconnaissant. Dans les journaux, je n’ai jamais mal parlé de lui. Pourtant, il m’a viré après une défaite contre le PSG alors que je n’étais qu’à un point du non relégable et qu’il restait plein de matchs. Je n’ai jamais craché sur lui, il m’a donné à manger pendant de nombreuses années. On n’est pas éternel dans notre club. Je n’ai pas à dire de mauvaises choses sur lui. Il faut s’en aller propre. Tu ne peux pas cracher sur les gens qui t’ont donné à manger. Tu peux partir et revenir, c’est comme ça dans le football. Pareil à Virton, je leur souhaite de monter. On a trouvé un accord, ce sont des gens respectueux. Il faut partir la tête haute. On ne peut pas me reprocher de ne pas avoir travailler, et ça, c’est le plus important.
Aujourd’hui, tu vas vu certains de tes amis, comme Hervé Renard et Laurent Bonadei, accéder à des postes prestigieux.
Hervé Renard est une très belle personne. En termes d’humilité, lui et Laurent Bonadei, il n’y a pas mieux. Il m’a invité au camp d’entraînement lors de la Coupe du monde au Qatar. On se connaît depuis longtemps. Il me dit « Jérôme tu vas bientôt retrouver ». Il m’a dit que des clubs de National 2 lui avaient fermé la porte. Il me disait de ne pas perdre espoir et que j’allais retrouver. Il avait raison. En pleine Coupe du monde, il avait pris le temps de manger avec moi, de discuter. Un sélectionneur en Coupe du monde, d’habitude il ne te calcule pas. Aujourd’hui, ça ne m’étonne pas que Laurent Bonadei soit sélectionneur de l’équipe de France féminine. Il le mérite, c’est une très très bonne personne.
Pour en revenir à Hervé Renard, il n’a finalement jamais vraiment percé en France. Comment expliques-tu cela ?
Les entraîneurs français ne sont pas assez mis en avant dans le championnat français. Je ne dis pas qu’il ne faut pas recruter d’entraîneurs étrangers. Loin de là. Mais on a de très bons entraîneurs en France qui pourraient prendre de grosses équipes. Exemple : Bruno Genesio, qui est une très belle personne et qui aujourd’hui a l’une des plus grosses équipes de France.
Tu as aussi passé du temps en Algérie. Un passage qui t’as marqué.
En Algérie, j’ai connu aussi de superbes personnes comme Madjid Bougherra. J’ai aimé passer du temps en Algérie, ils sont très gentils, il y a une vraie passion. Il faut s’ouvrir à eux. Tu récupères de très bons joueurs algériens en France comme El Melali, Ferhat. Le directeur sportif à Angers, Laurent Boissier, fait du très bon travail. Le président d’Angers n’hésite pas à faire confiance aux jeunes entraîneurs. Ce sont des personnes comme ça qui font ouvrir les yeux à d’autres présidents.
J’ai aimé passer du temps en Algérie, ils sont très gentils, il y a une vraie passion. Il faut s’ouvrir à eux.
Tu as souvent eu la réputation d’un mec dur. Est-ce facile de se détacher de cette image ?
C’est vrai, dans le football, j’ai l’image d’un homme dur. On dirait presque, je rigole bien sûr, que je sors de prison. Mais quand tu me connais, que tu discutes avec moi au bord du terrain, je ne suis pas du tout comme ça. Je n’ai pas une personnalité qui est en adéquation avec mon visage. J’ai du tempérament, je suis sudiste, je suis passionné mais je ne suis pas nerveux. Est-ce que les entraîneurs de haut niveau sont calmes ? Prenez l’exemple de Thomas Tuchel ou de Diego Simeone. Ce sont des garçons de tempérament. On a tous notre tempérament. Moi j’essaie de faire les deux, d’être actif mais aussi d’apporter de la sérénité.
Je n’ai pas une personnalité qui est en adéquation avec mon visage. J’ai du tempérament, je suis sudiste, je suis passionné mais je ne suis pas nerveux.
Un dernier mot pour conclure cet interview ?
Ça fait presque 22 ans que je suis dans le foot. Je n’ai eu que deux ans d’inactivité. J’ai enchaîné mais ça a fait du bien d’avoir une rupture quand j’ai quitté Nîmes, de pouvoir me ressourcer auprès de ma famille. Nous, entraîneur de haut niveau, on est formaté pour supporter un type de pression, mais pas notre famille. Les critiques, souvent, elles touchent plus ta famille que toi. Mais ils ne veulent pas te le dire. C’est ce qui est un peu dommageable. Les gens confondent l’entraîneur et l’homme. C’est ta famille qui est impactée. Toi, tu es dans ta bulle, passionné. Mais quand tu ne travailles pas, ça permet de te recentrer sur ta famille. Aujourd’hui, c’est ce que je fais. Le football c’est 70 % de mon temps et les 30 % restants, c’est ma famille. C’est hyper important. Par exemple, Guardiola a divorcé car il a décidé de poursuivre son métier. Zidane, c’est un exemple aussi. Il a pris du temps pour sa famille. J’aime être un entraîneur qui transmet, qui est sur le terrain. Tu ne peux pas m’enlever ça. C’est ma vie. Aujourd’hui, je préfère mourir que de ne pas être sur un terrain.
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